Comment rajeunir les tissus musculo-squelettiques ?

Jean-Marc Lemaître, Directeur de recherche Inserm, directeur de l’équipe Inserm « Plasticité génomique et vieillissement » Institut de Médecine Régénérative et Biothérapies, Montpellier, répond à 3 questions sur le sujet.

En 2011, votre équipe avait réussi à rajeunir des cellules de personnes centenaires, c’était de la reprogrammation épigénétique. Quel en est le principe ?

Nos cellules n’échappent pas au vieillissement. Celui-ci se caractérise par une modification
progressive du profil d’expression des gènes liée à l’apparition de marques épi génétiques. La conséquence est une perte progressive des capacités cellulaires, comme la résistance au stress ou la capacité de réparation. Nous sommes partis du principe que la différenciation cellulaire était réversible par reprogrammation nous appuyant sur les travaux des équipes de J. Gurdon et de S. Yamanaka : nous avons développé un cocktail de 6 facteurs géniques susceptibles de reprogrammer le destin d’une cellule vieillissante en celui d’une cellule souche pluripotente embryonnaire ; celle-ci présente une physiologie rajeunie, ayant effacé les marques épigénétiques du vieillissement.

Quelles sont les objectifs de vos travaux sur le vieillissement ?

Convaincu que la perte des différentes fonctions de l’organisme avec l’âge est avant tout une conséquence du vieillissement cellulaire et de sa susceptibilité accrue à entrer en sénescence, mon équipe cherche à mieux comprendre comment s’établit le vieillissement cellulaire et quels sont les mécanismes épigénétiques impliqués. L’objectif est de trouver des stratégies capables de retarder ou reprogrammer l’état sénescent afin d’en rendre les effets négligeables.

Peut-on espérer un traitement basé sur la régénération des tissus musculosquelettiques endommagés ?

Puisque le vieillissement cellulaire est réversible, rien ne s’y oppose… En effet, la reprogrammation permet de manipuler le destin des cellules pour les transformer en cellules souches pluripotentes induites (iPSC) issues du patient, même s’il est âgé. Ces iPSC peuvent être aujourd’hui redifférenciées en cellules musculaires mais aussi en cellules souches mésenchymateuses et hématopoïétiques à la physiologie rajeunie, et qui sont à l’origine du tissu musculo-squelettique. Ces cellules souches issues du patient, si elles sont greffées, permettent de s’affranchir des problèmes immunologiques du rejet. Elles représentent donc un formidable espoir qui nécessite le développement d’essais cliniques pour être concrétisé.

Working in the laboratory

 

Philippe Georgel, Directeur de l’équipe « Immuno-Rhumatologie Moléculaire » de l’unité 1109, Inserm, Université et CHU de Strasbourg répond à 3 questions sur le sujet.

Quel est le rôle des microARNs ?

Les microARNs sont des petits ARNs non codants de 20 à 22 nucléotides. Ils constituent des éléments de régulation post-transcriptionnelle majeurs : en se fixant sur des séquences cibles des ARN messagers (ARNm), ils provoquent leur dégradation ou inhibent leur traduction.
On estime que l’expression de plus de 60% des gènes est régulée par des miARNs.

Quelles sont les objectifs de vos travaux sur le vieillissement ?

Les miARNs sont des acteurs importants dans la régulation des processus inflammatoires. En effet, la réponse inflammatoire ne doit être que transitoire pour jouer un rôle bénéfique, sinon elle peut provoquer des dommages cellulaires. Leur rôle dans la polyarthrite rhumatoïde est attesté par de nombreux articles décrivant des altérations de l’expression de plusieurs miARNs chez les patients. Nos propres travaux ont conduit à l’identification de miR-346, miR-19 et miR-20 en tant que régulateurs négatifs de l’inflammation. Par ailleurs, une baisse globale de l’expression des miARNs dans les synoviocytes semble être une caractéristique des patients souffrant de PR.

Pourraient-ils constituer une piste de traitement ?

A ce jour, la modulation de l’activité de miARNs à des fins thérapeutiques n’est envisagée que dans le
cadre de l’infection par le virus de l’hépatite C (HCV). Jusqu’à présent, dans le cadre de la PR comme dans celui d’autres pathologies dans lesquelles des miARNs sont impliqués (cancers), les miARNs sont plutôt considérés comme des biomarqueurs dont le dosage dans le sang pourrait permettre de prédire la maladie, d’en affiner le diagnostic, ou bien de mieux définir et ajuster l’approche thérapeutique qui est envisagée.

Lupus et hormones

Présentation du projet de recherche

 

Le lupus érythémateux disséminé est une maladie auto-immune dite systémique. En d’autre terme, la réponse immunitaire est dirigée contre des composants appartenant à l’ensemble des cellules de l’organisme d’où la multiplicité des organes touchés. Les plus fréquemment atteints sont la peau, les articulations, le cœur, le poumon et le rein. Cette maladie est présente partout dans le monde. Son incidence est de 0.05% soit environ 30 000 personnes atteintes en France. Cette maladie survient plus particulièrement chez les femmes (9 femmes pour 1 homme atteint).

Le lupus est une maladie chronique, capable de durer des années. En général, le schéma évolutif alterne des poussées et des périodes de rémission. Certaine période dans la vie d’une femme peuvent influencer la maladie. Par exemple lors de la grossesse et de la ménopause. De même la maladie ne se déclare généralement qu’après la puberté.

La susceptibilité féminine du lupus, ainsi que le fait que la maladie évolue en fonction des phases de la vie d’une femme, a amené l’équipe de Jean-Charles Guéry à s’intéresser au pouvoir des hormones féminine sur le lupus. « Dans un premier temps, nous avons choisi d’étudier les mécanismes responsables de cette susceptibilité en étudiant des femmes ménopausées », nous explique Jean-Charles Guéry.

La ménopause correspond à l’arrêt du fonctionnement des ovaires. Elle s’accompagne donc d’une chute de la production des hormones féminine normalement produite par ces organes. Des traitements substitutifs existent afin de remédier aux effets secondaires tel que bouffées de chaleurs, douleurs articulaires et ostéoporose. Ces traitements associes deux hormones différentes : œstrogène et progestérone. Pour les femmes lupiques, la ménopause est souvent associée à une amélioration de la maladie et les traitements sont justement plutôt déconseillés.

« Nous avons initié un projet de recherche clinique permettant d’évaluer l’effet d’un traitement à base d’œstrogène sur la régulation de certaines cellules du système immunitaire», nous explique Jean-Charles Guéry. Cette étude a été réalisée sur une trentaine de femmes ménopausées en parfaite santé, n’ayant aucune pathologie lupique. L’étude a débuté en 2007 et s’est achevé à la fin de l’année 2010. Elle a permis de montrer que les oestrogènes contrôlent la fonction de cellules particulières du système immunitaire appelées cellules dendritiques plasmacytoïdes. Ces cellules sont connues pour être impliquées dans le lupus.

« Ces résultats ont été confirmé par une étude expérimentale effectuée sur des modèles souris », nous précise Jean-Charles Guéry. « Nous avons utilisé des souris présentant un défaut dans la signalisation des hormones oestrogènes, plus précisément du récepteur au œstrogène. Nous avons observé que, chez ces souris, l’activation des cellules dendritiques ne se faisait plus. Cela implique que l’effet de l’œstrogène sur les cellules dendritiques est bien un effet direct n’impliquant pas d’intermédiaires ».

Ce résultat porte un double intérêt. D’une part, il apporte un argument de plus pour dire que les hormones ont bien un rôle à jouer dans la pathologie lupique. D’autre part, il confirme et prouve que les traitements à base d’œstrogène utilisés pour diminuer les effets néfastes de la ménopause ne sont pas conseillés chez les femmes lupiques. La question se pose donc de trouver un traitement alternatif pour les femmes lupiques qui souffrent d’ostéoporose. C’est pourquoi l’équipe de Jean-Charles Guéry a choisit de lancer un nouvel essai clinique visant à évaluer un traitement alternatif à base de raloxifène.

Cette molécule est utilisée comme traitement pour les femmes post-ménopausées qui présentent un risque d’ostéoporose mais qui ne supportent pas bien les traitements classiques. Elle mime certain effet de l’œstrogène mais n’agit pas sur les mêmes voies de signalisation. « Notre but est de prouver que le raloxifène ne joue pas sur la régulation des cellules dendritiques et donc n’aurait pas d’influence sur la pathologie lupique. Il deviendrai ainsi un traitement alternatif aux oestrogènes pour protéger les femmes lupiques de l’ostéoporose pendant la ménopause », précise Jean-Charles Guéry.

« En parallèle de cette étude plus clinique, nous souhaitons poursuivre notre compréhension des mécanismes par lesquelles les hormones jouent sur la maladie », rajoute Jean-Charles Guéry. « Notre objectif est de décortiquer les voies de signalisation immunitaire touchées par les hormones et donc susceptibles d’être impliquer dans le développement du lupus. » Ce travail s’effectue pour l’instant au niveau expérimental sur des modèles de souris déficientes pour la signalisation des hormones oestrogènes. Les résultats obtenus seront validés ensuite chez l’homme.

Ce projet de recherche, à la base très fondamental, a su montrer son potentiel thérapeutique. En effet, il a déjà permis de proposer un traitement alternatif aux femmes lupiques ménopausées et souffrant d’ostéoporose. Il a également permis de mieux appréhender le rôle des hormones dans le lupus. Cela aboutira sans doute un jour à des pistes de traitement pour la maladie elle-même. C’est d’ailleurs pourquoi la Fondation Arthritis n’a pas hésité à renouveler son soutien en cette équipe prometteuse.

60 000 €

Grâce à vos dons, la Fondation Arthritis a financé le projet de recherche de ce chercheur pendant 3 ans.

Interview de Jean-Charles Guéry

Jean-Charles Guéry, vous aviez obtenu un financement de 40 000 € pour 2 ans et le Conseil Scientifique de la Fondation a renouvelé sa confiance en votre projet pour 2011. En quoi ce financement vous a aidé ?

En 2009, c’était la première fois que notre laboratoire était financé par la Fondation Arthritis. Cet argent nous a permis de finaliser l’étude clinique sur les femmes ménopausées et de lancer le projet des modèles souris qui coûte très cher. Le renouvellement de ce financement en 2011 nous a conforté sur la qualité de notre travail et nous permet de poursuivre notre projet expérimental sur les modèles souris.

Votre travail de recherche a pour objectif de mieux comprendre les mécanismes de la susceptibilité féminine aux maladies autoimmunes et essentiellement au lupus, mais peut il avoir des retombés cliniques ?

Effectivement, le but de notre recherche est plus de comprendre l’effet des hormones que de mettre au point un traitement. Mais finalement, nos études ont permis de confirmer que le traitement des femmes lupiques ménopausées par les œstrogènes n’est pas conseillé et que le traitement au raloxiphène pourrait être une alternative. Par la suite, notre projet pourrait également aider au développement de nouvelles approches thérapeutiques pour stimuler ou inhiber ces cellules dendritiques grâce à des modulateurs des hormones afin de traiter le lupus lui-même.

La grossesse est souvent associée à un répit de la maladie. Est-ce également lié aux hormones stéroides ?

Il est vrai que les effets des maladies autoimmunes sont souvent diminués pendant la grossesse, alors même que les doses d’œstrogènes sont augmentées. Nous travaillons sur ce sujet depuis plusieurs années mais plutôt sur des modèles de sclérose en plaque. Cela n’empêche en rien l’extrapolation à d’autres maladies autoimmunes type PR et lupus. Notre objectif est de comprendre comment les œstrogènes, produits a un niveau plus élevé, pourrait diminuer la maladie. Nos premiers résultats laissent penser que, oui, les hormones oestrogènes sont impliquées dans ce mécanisme. Elles auraient en fait un rôle différent en fonction de leur dose, des cellules ou des tissus sur lesquelles elles agissent. Nous avons engagés des expériences nous permettant de mieux comprendre cette complexité.

L’arthrose : un problème de santé publique

Présentation du projet de recherche

L’arthrose est une affection progressive de l’ensemble du tissu ostéo-articulaire. La maladie peut toucher l’ensemble des articulations du squelette: genoux, hanche, rachis et mains, et son origine est pluri-factorielle avec des conséquences socio-économiques extrêmement importantes. Ainsi, l’on estime que 4,6 millions de personnes souffraient d’arthrose en France en 2003, avec un coût annuel de l’ordre de 1,6 milliards d’euros. En termes de coût, on situe habituellement l’arthrose au deuxième rang des maladies chroniques, après les affections cardiovasculaires, ce qui fait qu’elle représente un véritable problème de Santé publique dans les pays développés.

L’arthrose conduit à la destruction du cartilage articulaire, mais les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore entièrement compris. Elle fait intervenir non seulement le cartilage mais aussi l’os sous-chondral, la membrane synoviale qui « emballe l’articulation » et les ligaments et capsule, véritables stabilisateurs comme les haubans d’un mat de voilier. À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement curatif contre l’arthrose. Aussi, il apparaît crucial de mieux comprendre la pathogénie de la maladie, afin de développer des thérapies qui peuvent ralentir le développement de la maladie.

Ce sont les ambitions du groupe dirigé par le Docteur Frédéric Lioté, au sein du laboratoire « Os et articulations », à l’hôpital Lariboisière, à Paris. Le Conseil Scientifique de la Fondation Arthritis a accordé une subvention de 20 000 € en 2012 pour un projet présenté par Frédéric Lioté ; nous l’avons rencontré tout récemment, et il nous expose les avancées sur la connaissance de cette maladie, et les thématiques et objectifs de son groupe de recherche.

Structure du cartilage

Le cartilage est composé d’un seul type de cellules, appelées chondrocytes intégrées dans une matrice extra-cellulaire composée en majorité de collagènes et d’aggrécanes. L’ensemble confère au cartilage résistance et élasticité. Le groupe dirigé par Frédéric Lioté s’intéresse aux interactions entre la synoviale et le cartilage.
Le chondrocyte maintient l’homéostasie du cartilage par un équilibre entre synthèse et dégradation de cette matrice extra-cellulaire. L’arthrose résulte d’un déséquilibre de cette balance, de l’activation et la différenciation de chondrocytes articulaires vers des chondrocytes hypertrophiques, et enfin de l’apoptose cellulaire de ces derniers.

Il existe un certain nombre de facteurs liés à l’arthrose. On peut citer l’âge, les facteurs mécaniques et métaboliques (obésité), les facteurs génétiques, les traumatismes (lésions directe du cartilage ou de ménisques, au genou par exemple ; déformation post-traumatique), et les troubles de l’architecture osseuse qui redistribuent les contraintes mécaniques. Il existe également une autre hypothèse à laquelle s’intéresse le groupe de Frédéric Lioté : les microcristaux.

L’hypothèse microcristalline

Des « transporteurs » sont localisés à la membrane des chondrocytes, et assurent des flux entrants ou sortants de phosphate inorganique (Pi) et/ou de pyrophosphate inorganique (PPi), ce qui permet de maintenir l’homéostasie du Pi indispensable au métabolisme cellulaire. Il s’agit d’une balance finement régulée, qui s’oriente soit vers la formation de Pi, soit vers la formation de PPi. Le groupe de Frédéric Lioté s’intéresse à cette régulation qui pourrait probablement modifier les caractéristiques physico-chimiques du cartilage. L’excès de Pi ou de PPi, en association avec le calcium, forme respectivement des cristaux de phosphate de calcium basique (BCP) ou de pyrophosphate de calcium (CPP) (Voir schéma ci-dessous). Ces cristaux sont présents dans le cartilage, ou sont libérés puis phagocytés par la membrane synoviale, ce qui induit une réponse inflammatoire puis une chondrolyse (dégradation du cartilage). De manière similaire, comme nous l’explique Frédéric Lioté, « lorsque l’on injecte des cristaux en intra-articulaire à des souris, on observe systématiquement une chondrolyse, précédée d’une inflammation initiale modeste ».
Les cristaux calciques sont observés sur certaines radiographies de cartilage arthrosique. Or ces anomalies sont présentes sur l’ensemble du tissu cartilagineux, et non pas localisées uniquement sur les zones de contraintes mécaniques comme on pouvait s’y attendre. Ainsi ces cristaux, lorsqu’ils sont présents dans l’articulation, induisent une chondrolyse et joueraient donc un rôle important dans l’arthrose.

L’apoptose du chondrocyte

L’autre thématique sur laquelle travaille le groupe de Frédéric Lioté concerne la compréhension de l’apoptose du chondrocyte dans l’arthrose. L’équipe cherche à déterminer pourquoi le chondrocyte s’engage dans cette voie d’apoptose : Y –a-t-il des inducteurs de l’apoptose ou bien un manque d’inhibiteurs de cette voie ?
Cet aspect du projet est dans la continuité logique du travail entamé en 2003 dans le laboratoire, et subventionné par la Fondation Arthritis. En effet, comme nous l’indique Frédéric, « nous avions montré qu’il y avait une réduction spectaculaire de l’apoptose des chondrocytes dans le modèle d’arthrite au collagène lorsque l’on injectait aux souris un neuropeptide appelé adrénomédulline (AM) en intra-péritonéal. L’AM apparaît donc comme un modulateur de l’apoptose du chondrocyte, et nous voulons tester cette hypothèse dans l’arthrose ».
Les premiers résultats sont tout à fait prometteurs, et plusieurs expériences sont en cours de réalisation afin de valider cette hypothèse.

L’importance de la Fondation

Les financements accordés par la Fondation Arthritis sont nécessaires pour les équipes de recherche. Comme nous l’indique Frédéric Lioté, «Le budget accordé par l’INSERM diminue de 10% en 2012, les prélèvements augmentent, donc le quotidien est complexe, et les organismes de tutelle demandent aux chercheurs de trouver des budgets de fonctionnement. Cette subvention de 20 000 € nous permet de payer le consommable pour l’année (souris, anticorps, peptides), et est indispensable pour la continuation du projet ».

L’équipe

Unité : INSERM U 606 « os et articulations »
Lieu : Hôpital Lariboisière, Paris
Directeur du laboratoire : Marie-Christine de Vernejoul. 4 équipes
Composition de l’équipe : Equipe 3 « Inflammation ostéo-articulaire » dirigée par Frédéric Lioté.
Une quinzaine de personnes, dont 6 statutaires, une technicienne (Fondation pour la Recherche Médicale), un chercheur post-doctoral et 5 doctorants.
Thématique : Mécanismes de la chondrolyse (destruction du cartilage)

liote2Interview de Frédéric Lioté

L’arthrose touche environ 4 millions de français. Existe-t-il des traitements contre cette maladie ?

Le problème, c’est qu’il n’y a pas de traitements curatifs à l’heure actuelle. Toutefois il est possible de contrôler son évolution grâce à des traitements médicamenteux et non médicamenteux. Néanmoins la compréhension de la maladie a évolué ces 10 dernières années, et on commence effectivement à identifier de nouvelles cibles, c’est un espoir !!!!

Quelles sont donc les pistes thérapeutiques prometteuses ?

Pour tester de nouvelles hypothèses, nous utilisons au laboratoire des modèles d’arthrose expérimentales : il s’agit de souris normales ou génétiquement modifiées à qui l’on fait subir une méniscectomie partielle. Cela crée une instabilité articulaire et une chondrolyse, donc une arthrose en 6 semaines. Il existe néanmoins quelques différences, en fonction du sexe et de la souche des souris utilisée, mais ces modèles animaux sont des outils indispensables pour nous permettent de comprendre les mécanismes physiopathologiques de la maladie d’une part, et, d’autre part, nous permettent de tester de nouvelles molécules anti-arthrosique. La contrepartie chez l’homme existe : au genou, si on enlève un ménisque à un homme ou une femme, on le (la) précipite vers l’arthrose du genou : le message du rhumatologue est de « protéger les ménisques » !!

La NADPH OXYDASE 4, nouvelle cible thérapeutique dans l’arthrose ?

Présentation du projet de recherche

Les Nox sont des enzymes qui produisent des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS). Les ROS sont de petites molécules extrêmement réactives, capables de modifier les propriétés biochimiques des constituants de la cellule et de produire à fortes doses un stress oxydant. En outre, les ROS semblent jouer un rôle important dans certaines pathologies rhumatismales. En partenariat avec le service de rhumatologie du CHU de Grenoble, le groupe s’est focalisé sur l’impact des Nox autour de deux pathologies rhumatologiques majeures ; la polyarthrite rhumatoïde et l’arthrose. Francis Rousset, étudiant en thèse subentionné par la Fondation Arthritis, nous explique son projet de recherche.

L’arthrose : une maladie peu connue

L’arthrose est une affection rhumatologique chronique extrêmement fréquente touchant plus de 60% de la population âgée en France soit plus de 9 à 10 millions de patients. Compte tenu du vieillissement de la population et de l’augmentation de la prévalence de l’obésité, ce chiffre ne fera qu’augmenter dans les années à venir. Malgré l’importance de cette pathologie, les traitements médicamenteux actuellement disponibles sont relativement peu efficaces, et ne s’attaquent qu’aux symptômes et non à la cause de l’arthrose. Ainsi, une connaissance plus approfondie des mécanismes physiopathologiques conduisant à la destruction du cartilage permettrait de proposer des thérapies innovantes et plus efficaces.

La médecine considère actuellement l’arthrose comme « la maladie du chondrocyte ». Le chondrocyte, est l’unique cellule présente au sein du cartilage articulaire. Dans des conditions physiologiques normales, cette cellule assure l’équilibre entre la synthèse des constituants de la matrice extracellulaire et l’activité protéolytique des métalloprotéases matricielles (MMP), qui dégradent cette matrice. Une sollicitation anormale du cartilage articulaire va entraîner la synthèse de médiateurs de l’inflammation tels que les ROS et l’Interleukine-1β (IL-1β) par le chondrocyte, ce qui va déclencher le processus pathologique à l’origine de l’arthrose.

figure1Nox4 : Acteur de la dégénérescence du cartilage

Au laboratoire, des résultats ont montré que l’expression de Nox4 dans des chondrocytes humains (C-20/A4) conduit à une synthèse accrue de MMP-1, une métalloprotéase matricielle impliquée dans la protéolyse du collagène (Grange et al. 2006). Nox4 est également à l’origine du processus de mort cellulaire de cette lignée chondrocytaire en réponse à l’IL-1β (Rousset et al. 2013). L’activité non contenue des MMP et la mort des chondrocytes sont les deux principales causes conduisant à l’arthrose. Nous avons donc émis l’hypothèse que Nox4 pourrait être un acteur de la dégénérescence cartilagineuse (Figure 1).

Le projet de thèse de Francis Rousset, financé par la Fondation Arthritis, a donc deux objectifs principaux :

1. de valider le rôle de Nox4 dans les chondrocytes primaires directement issus de patients

2. de développer des stratégies pour inhiber l’activité de Nox4 dans les chondrocytes.

Pour tenter d’inhiber l’activité de Nox4, Francis Rousset s’est intéressé à l’Hème Oxygénase-1 (HO-1). HO-1 est l’enzyme permettant la dégradation de l’hème ; une molécule indispensable à l’activité catalytique de Nox4. De façon intéressante, le contrôle de l’activité de Nox4 par HO-1 conduit à une diminution significative de l’expression de la collagénase MMP-1 et de l’apoptose des chondrocytes C-20/A4 stimulés par IL-1β. Ces résultats décrivent un nouveau mode de régulation possible de l’activité de Nox4 par la protéine HO-1.

Aucune étude n’a encore permis d’identifier les Nox exprimées par les chondrocytes directement issus de patients. A l’aide d’une collaboration avec le service d’orthopédie du CHU de Grenoble qui fournit les prélèvements biologiques, les chondrocytes ont été isolés et cultivés à partir de têtes fémorales humaines. Confortant les données obtenues sur les lignées cellulaires, les résultats préliminaires du laboratoire ont montré que Nox4 est la seule isoforme des NADPH oxydases exprimée dans ces chondrocytes. La production de ROS stimulée par l’IL-1β est sensible aux antioxydants mais également aux inhibiteurs des NADPH oxydases et en particulier de Nox4. De plus, l’induction de l’expression de HO-1 dans les chondrocytes primaires entraîne une diminution très significative de l’activité de Nox4 et de la synthèse des MMP1 et 13, deux des principales MMP impliquées dans l’arthrose. En fait, ces résultats ont démontré que l’activité de Nox4 conduit aussi à la néosynthèse de l’IL-1β par les chondrocytes primaires et par conséquent à l’emballement des voies de signalisation concourant à la dégradation du cartilage (figure 1).

De manière à confirmer l’implication de Nox4 dans cette pathologie, un projet de recherche clinique (ARTHRO-NOX) a été récemment initié par le laboratoire, en collaboration avec les services de rhumatologie, d’orthopédie et d’anatomopathologie du CHU de Grenoble. Ce projet vise à mesurer l’expression et l’activité de Nox4 dans les chondrocytes prélevés sur du cartilage sain et de les comparer au chondrocytes arthrosiques. L’approche sera validée à l’aide d’un modèle murin dont le gène codant pour Nox4 a été supprimé (collaboration avec le laboratoire du Pr. Krause, à l’université de Genève).

En conclusion, les résultats directement obtenus à partir du cartilage humain confortent l’hypothèse selon laquelle Nox4 serait une cible thérapeutique dans l’arthrose. La confirmation in vivo de cette hypothèse permettra d’envisager de nouveaux traitements. L’indentification de nouveaux partenaires contrôlant l’activité de Nox4, tels que l’hème oxygénase-1, ou encore le développement d’inhibiteurs de Nox4 pourrait ainsi ouvrir de nouvelles stratégies thérapeutiques dans cette pathologie à incidence élevée.

Références bibliographiques

Grange L, Nguyen MV, Lardy B, Derouazi M, Campion Y et al. (2006) NAD(P)H oxidase activity of Nox4 in chondrocytes is both inducible and involved in collagenase expression. Antioxidants & redox signaling 8(9-10): 1485-1496.
Rousset F, Nguyen MV, Grange L, Morel F, Lardy B (2013) Heme Oxygenase-1 Regulates Matrix Metalloproteinase MMP-1 Secretion and Chondrocyte Cell Death via Nox4 NADPH Oxidase Activity in Chondrocytes. PloS one 8(6): e66478.

L’équipe

Laboratoire: Groupe de Recherche et d’Etude du Processus Inflammatoire (GREPI), équipe « phox-nox » (Phagocyte oxydase – NADPH oxydase).Laboratoire AGIM, GREPI, Université Joseph Fourier, FRE3405 CNRS-EPHE, Grenoble, France.

Composition de l’équipe : Le groupe « phox nox » est dirigé par le Professeur Françoise Morel. Bernard Lardy est tuteur scientifique du projet. Laurent Grange est correspondant clinicien. Francis Rousset effectue sa thèse sur Nox4 dans l’arthrose, financée par la Fondation Arthritis.
De gauche à droite Chuong Nguyen (post doctorant), Kathy Koy (Interne, Doctorante), Athan Baillet (MCU PH), Françoise Morel (Professeur émerite), Marc André Hograindleur (étudiant EPHE), Sylvie Berthier (Ingénieur), Francis Rousset (Doctorant), Marie Hélène Paclet (MCU PH) et Bernard Lardy (MCU PH).

Thématique : Etude des NADPH oxydase 2 et 4 dans la polyarthrite rhumatoïde et l’arthrose.

Anomalies fonctionnelles d’Ikaros au cours du lupus

Présentation du projet de recherche

Grâce à vous, ce projet de recherche est financé en 2013!

En situation normale, notre organisme produit une très grande diversité de lymphocytes B qui chacun fabrique un type d’anticorps différent. Cette diversité permet de reconnaître une grande variété de pathogènes, et est un élément essentiel de l’immunité. Malheureusement, elle résulte également en la présence de certains lymphocytes B capables de fabriquer des anticorps qui reconnaissent des molécules du soi (c’est à dire des constituants de notre propre organisme). Ces lymphocytes B « auto-réactifs » sont normalement neutralisés et incapables de répondre efficacement aux stimulations qui induisent la production d’anticorps. Dans certaines maladies auto-immunes comme le lupus, cette neutralisation est défectueuse: des lymphocytes B auto-réactifs produisent des auto-anticorps qui initient une cascade pathologique qui conduit à la destruction de tissus de l’organisme. Deux types de mécanismes peuvent aboutir à la levée de cette neutralisation: les lymphocytes B peuvent avoir des défauts intrinsèques qui les rend plus sensibles aux stimulations, ou d’autres cellules peuvent émettre des signaux anormaux qui peuvent « réveiller » ces cellules.

Activité des lymphocytes B dans le lupus

Dans le lupus érythémateux systémique, des lymphocytes B fabriquent des anticorps contre certains constituants cellulaires, comme l’ADN ou les protéines qui entourent l’ADN. Des études génétiques menées en Chine et en Angleterre chez des patients atteints de lupus ont récemment identifié des variations naturelles de certains gènes qui prédisposent au développement de cette maladie. L’un de ces gènes est Ikzf1. Il code pour une protéine appelée Ikaros, dont la fonction est de se fixer à des régions particulières de l’ADN pour allumer ou éteindre d’autres gènes. Le lien entre Ikaros et lupus n’est pas bien compris. Une équipe chinoise a cependant montré que les leucocytes sanguins de patients atteints de lupus contiennent souvent une quantité moindre d’Ikaros, ce qui suggère qu’une baisse de niveau d’Ikaros pourrait jouer un rôle dans le développement de cette maladie. Les cellules dont la fonction est affectée par ces prédispositions génétiques ne sont pas identifiées. Ces cellules pourraient être les lymphocytes B, ou d’autres cellules qui contrôlent leur activité.

Inactivation d’Ikaros chez la souris

L’étude de modèles animaux permet dans de nombreux cas de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les pathologies humaines. La souris, en particulier, est un modèle de choix car il est possible chez cette espèce d’altérer les gènes de façon précise et ciblée. Par exemple, il est possible de supprimer la fonction d’un gène seulement dans certains types cellulaires. L’équipe co-dirigée par Susan Chan et Philippe Kastner étudie la fonction de la protéine Ikaros chez la souris. Cette protéine joue des rôles importants dans plusieurs types de cellules immunitaires. Ikaros est notamment très important pour les lymphocytes B. Ainsi l’inactivation complète du gène Ikzf1 dans tout l’organisme empêche le développement des lymphocytes B, et les souris mutantes sont donc complètement dépourvues de ces cellules. Ceci souligne l’importance d’Ikaros pour les lymphocytes B, mais empêche aussi l’étude des fonctions d’Ikaros dans la régulation de leur comportement.

Rôle d’Ikaros dans le lupus

L’équipe a généré plusieurs autres lignées de souris qui permettent de contourner ce blocage, et où Ikaros est perdu ou réduit dans les lymphocytes B matures. Nous avons ainsi produit des souris chez qui une quantité résiduelle d’environ 10% de protéines Ikaros reste présente. Ces souris (appelées IkL/L) possèdent des lymphocytes B. En collaboration avec les équipes de Sylviane Muller et Jean-Louis Pasquali de l’Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire de Strasbourg, il a été trouvé que ces souris produisent des auto-anticorps similaires à ceux trouvés dans le lupus (voir figure). De plus, leurs lymphocytes B ont des réponses anormales lorsqu’on les stimule (ils se divisent davantage et meurent moins souvent). Ce genre de défaut est typique du lupus. Ces résultats montrent donc que la baisse de la quantité des protéines Ikaros chez la souris provoque des anomalies des lymphocytes B ressemblant à celles présentes chez les patients atteints de lupus. A ce stade des expériences, il n’était cependant pas clair si Ikaros est requis dans les lymphocytes B ou si le défaut primordial se situe dans d’autres cellules qui indirectement pourraient affecter le comportement des lymphocytes B. Pour aborder cette question, un second modèle de souris a été utilisé, dans lequel Ikzf1 est détruit uniquement dans les lymphocytes B. Ce deuxième type de souris mutantes présente le même type d’anomalies que les souris IkL/L. Ce résultat montre donc qu’Ikaros agit dans les lymphocytes B pour contrôler leur fonction et inhiber la production d’auto-anticorps. Comme nous l’indique Susan Chan, « Nous avons aussi étudié d’un point de vue mécanistique comment Ikaros agit pour exercer ces fonctions. Nous avons trouvé qu’Ikaros contrôle un groupe de gènes dont le rôle est de convertir un signal perçu par les cellules à leur surface en une réponse moléculaire à l’intérieur de la cellule. La dérégulation de ces gènes peut expliquer la réponse exacerbée des lymphocytes B à ces signaux. »

Ces études permettent de mieux comprendre pourquoi des anomalies fonctionnelles d’Ikaros contribuent au lupus, et le modèle de souris utilisé au laboratoire pourrait permettre dans l’avenir de tester l’efficacité de nouveaux traitements. Ces résultats tout à fait intéressants ouvrent des perspectives extrêmement prometteuses pour tous les malades atteints de lupus.

L’équipe

Unité : IGBMC (Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire), Strasbourg
Equipe : « Hématopoïèse et leucémogenèse chez la souris » co-dirigée par Susan Chan et Philippe Kastner.
Composition de l’équipe :1 directeur de recherche INSERM, 1 maître de conférence praticien-hospitalier, 1 chargée de recherche INSERM, 3 post-docs, 4 doctorants, 1 étudiante Master2, 1 assistante-ingénieure.

Maladies inflammatoires – PCNA : un acteur inattendu mais essentiel dans la survie du neutrophile

Présentation du projet de Recherche

Connue depuis 2000 ans dans ses manifestations cliniques, l’inflammation ou réaction inflammatoire est un mode de réponse des tissus vivants vascularisés face à une agression. Elle peut relever de différentes causes, infectieuses (bactérienne, virale, parasitaire), immunologiques, tumorales, ou traumatismes (intervention chirurgicale, brûlure…). Elle peut également être la conséquence d’une nécrose tissulaire, elle-même secondaire à de nombreuses causes, par exemple une occlusion artérielle.

 Grâce à vous, la Fondation Arthritis finance ce laboratoire depuis 2 ans !

L’inflammation

L’inflammation est un processus habituellement bénéfique : son but est d’éliminer l’agent pathogène et de réparer les lésions tissulaires. Parfois l’inflammation peut être néfaste du fait de l’agressivité de l’agent pathogène, de sa persistance, du siège de l’inflammation, par anomalies des régulations du processus inflammatoire, ou par anomalie quantitative ou qualitative des cellules intervenant dans l’inflammation. Les cellules qui interviennent dans les mécanismes de l’inflammation sont à la fois des cellules circulantes (polynucléaires neutrophiles, monocytes, polynucléaires éosinophiles, polynucléaires basophiles, plaquettes, lymphocytes, plasmocytes) qui migrent vers le tissu interstitiel et des cellules résidentes des tissus interstitiels (macrophages, histiocytes, mastocytes, fibroblastes). Ces cellules libèrent de nombreux médiateurs cellulaires pro-inflammatoires, tels que histamine, sérotonine, prostaglandines, cytokines (IL1, IL6, TNF-a) et radicaux libres oxygénés.

Le traitement des maladies inflammatoires est généralement basé sur l’inhibition de ces médiateurs pro-inflammatoires. Les progrès effectués dans la compréhension des mécanismes de la résolution de l’inflammation, ont permis l’émergence de pistes thérapeutiques prometteuses qui aurait pour but de stimuler ces anti-inflammatoires endogènes mis en échec au cours de l’inflammation chronique non résolue. L’équipe co-dirigée par Véronique Witko-Sarsat et Luc Mouthon s’intéresse aux mécanismes de l’inflammation et au remodelage au cours de maladies vasculaires. Nous avons rencontré Véronique Witko-Sarsat qui nous a parlé avec enthousiasme de leur projet de recherche soutenu financièrement par la Fondation Arthritis qui vise à étudier les mécanismes moléculaires impliqués dans l’apoptose du neutrophile.

Le neutrophile dans l’inflammation

Les neutrophiles sont des cellules de l’immunité innée indispensable à la défense contre les pathogènes. Lors de la phase aiguë des maladies inflammatoires, ils sont rapidement recrutés au site de la lésion ou de l’infection pour détruire les pathogènes.

L’apoptose du neutrophile, qui suit son activation, permet d’éviter sa nécrose, au cours de laquelle les neutrophiles détruisent les tissus et amplifient l’inflammation. Les neutrophiles apoptotiques sont ensuite phagocytés par les macrophages induisant une réaction anti-inflammatoire. Ainsi, l’apoptose des neutrophiles est une étape essentielle de la résolution de l’inflammation, et peut être considérée comme une cible pertinente pour combattre l’inflammation dans les nombreuses pathologies impliquant les neutrophiles. De plus, il a été montré que dans certaines pathologies infectieuses (méningite, mucoviscidose), un traitement anti-inflammatoire combiné aux antibiotiques favorisait la résolution de l’inflammation. Cependant, aucun traitement ciblant spécifiquement les neutrophiles n’est actuellement disponible.

Un nouveau rôle pour PCNA

Le neutrophile est une cellule en fin de différenciation, dépourvu de capacité proliférative. Sa durée de vie courte (quelques heures dans la circulation) peut être allongée au site l’inflammatoire selon des mécanismes très mal connus.

Il a été montré que des protéines régulatrices du cycle cellulaire contrôlaient la survie du neutrophile. De façon tout à fait surprenante, l’équipe de Véronique Witko-Sarsat a découvert que la protéine PCNA (proliferating cell nuclear antigen), facteur nucléaire indispensable à la réplication de l’ADN dans les cellules prolifératives a une localisation exclusivement cytoplasmique dans le neutrophile, et régule sa survie grâce à son rôle anti-apoptotique (J Exp Med, 2010).

PCNA n’a pas d’activité enzymatique et est considéré comme une protéine « assembleuse » (ou protéine plateforme) bien décrite dans le noyau des cellules proliférantes. Ainsi, un peptide compétiteur provenant de p21/waf1 (partenaire de PCNA) déclenche l’apoptose du neutrophile, montrant que la modulation de la plateforme de PCNA cytoplasmique dans le neutrophile peut potentiellement moduler la réponse inflammatoire. Comme nous l’indique Véronique Witko-Sarsat, « cette découverte est à l’origine de 2 dépôts de brevet Européen par Inserm Transfert ! ».

Les objectifs du projet dirigé par Véronique Witko-Sarsat sont :

1.  d’étudier les mécanismes moléculaires contrôlant la balance survie/apoptose dans le neutrophile et

2. d’élucider les mécanismes régulant la « plateforme protéique » PCNA dans le cytosoplasme des neutrophiles, cible potentielle pour un traitement inflammatoire ciblé.

Ainsi, dans le neutrophile, PCNA a un rôle essentiel dans la survie du neutrophile et bloque son apoptose. Cette nouvelle voie de survie dans les neutrophiles ouvre des perspectives intéressantes pour potentialiser la résolution de l’inflammation et donc des opportunités dans la conception de nouvelles molécules anti-inflammatoires : Favoriser l’apoptose du neutrophile en ciblant PCNA pourrait dès lors constituer une nouvelle piste thérapeutique anti-inflammatoire prometteuse.

immunologie-2010-13Schéma du nouveau rôle de PCNA dans le neutrophile.

PCNA est une protéine trimérique abondante dans le noyau des cellules proliférante. Dans le neutrophile mature, qui est une cellule qui ne prolifère pas, PCNA est uniquement cytoplasmique comme le montre la photo de neutrophile dont les noyaux caractéristiques polylobés apparaissent en bleu et PCNA, marqué avec un anticorps fluorescent apparaît en rouge. Lorsque le neutrophile survit (panel A), PCNA cytoplasmique s’associe avec des protéases impliquées dans l’apoptose, (procaspases) et bloque leur activation. Lorsque le neutrophile reçoit des signaux de mort, de façon physiologique ou en présence d’un peptide provenant de la proteine P21/waf1 (panel B) qui se lie spécifiquement à PCNA (peptide en jaune sur la modélisation tridimensionnelle de PCNA), PCNA est dégradé et le neutrophile entre en apoptose. Ce schéma montre que la survie du neutrophile est sous la dépendance de PCNA, protéine dont on ne connaissait jusqu’alors que ses activités nucléaires.

L’équipe

Unité : INSERM U1016/CNRS UMR 8104/Université Paris Descartes UMR-S1016
Lieu : Institut Cochin, Département Immunologie et Hématologie, Hôpital Cochin, Paris
Composition de l’équipe : Equipe « Neutrophile et vascularites », co-dirigée par Véronique Witko-Sarsat et Luc Mouthon
2 chercheurs statutaires, 3 techniciens, 2 chercheurs post-doctorants et 4 doctorants.
Thématique : Mécanismes de l’inflammation et du remodelage au cours de maladies vasculaires, en particuliers les vascularites autoimmunes.

Références

1. Witko-Sarsat V, Mocek J, Bouayad D, Tamassia, N., Ribeil, J. A., Candalh, C., Davezac, N., Reuter, N., Mouthon, L., Hermine, O., Pederzoli-Ribeil, M., Cassatella, M. A.. Proliferating cell nuclear antigen acts as a cytoplasmic platform controlling human neutrophil survival. J Exp Med. 2010; 207:2631-2645.

2. Witko-Sarsat V, Pederzoli-Ribeil M, Hirsh E, Sozzani S, Cassatella M. Regulating neutrophil apoptosis: new players enter the game. Trends Immunol. 2011; in press.

VE-cadhérine soluble: Un marqueur de suivi de la polyarthrite rhumatoïde ?

Présentation du projet de recherche

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le rhumatisme inflammatoire le plus fréquent qui affecte 0,3% de la population française. Cette maladie est caractérisée par une inflammation persistante de la membrane synoviale qui peut progresser, à terme, vers la destruction du cartilage. Lors du processus inflammatoire, la membrane synoviale va s’épaissir pour former un pannus synovial qui va envahir le cartilage et l’os sous-chondral. L’hyperplasie du tissu synovial est associée à une angiogenèse, processus de formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants. Ce nouveau réseau vasculaire permet d’approvisionner les nouvelles couches de cellules en oxygène et nutriments.

Tous les vaisseaux sanguins sont tapissés d’une monocouche de cellules endothéliales qui forme l’endothélium vasculaire dont l’intégrité est assurée par une forte cohésion entre les cellules due à l’existence de protéines adhésives situées aux contacts cellules-cellules et constituant les jonctions endothéliales. Leur organisation est essentielle dans l’homéostasie vasculaire. En effet, l’ouverture et la fermeture coordonnée des jonctions endothéliales permettent de contrôler les échanges entre le sang circulant et les tissus sous-jacents.
Le laboratoire dans lequel Adama Sidibe réalise sa thèse, financée par la Fondation Arthritis, s’intéresse à l’angiogenèse et à l’architecture des jonctions endothéliales.

Les jonctions endothéliales et l’inflammation

Au cours de processus pathologiques dont l’inflammation, les cellules endothéliales sont la cible de cytokines inflammatoires (TNF, VEGF….) libérées par les macrophages qui vont induire des remaniements de l’architecture des jonctions endothéliales par modifications de leurs composants protéiques. La protéine majeure exclusivement localisée dans les jonctions endothéliales est la VE-cadhérine (Vascular Endothelial cadherin). C’est une protéine transmembranaire comportant un large domaine extracellulaire dont les propriétés adhésives permettent des interactions solides entre molécules de VE-cadhérine et dont le domaine intracellulaire interagit avec des composants du cytosquelette de la cellule endothéliale afin d’assurer la maintenance des forces de cohésion du tapis cellulaire. Son rôle dans l’angiogenèse a été démontré à Grenoble dans les années 1995-99, et les recherches sur ses modifications potentielles en pathologie vasculaire se poursuivent actuellement. Comme nous l’indique Adama, « le design de moyens thérapeutiques innovants contre la PR passera par une meilleure connaissance des étapes clefs du processus angiogénique ». Tout son travail de thèse repose sur la compréhension du rôle de la VE-cadhérine dans l’angiogenèse au cours de la PR.

Les modifications des protéines des jonctions endothéliales par phosphorylation/déphosphorylation sont des processus majeurs au cours de l’angiogenèse et de l’inflammation. Les chercheurs du laboratoire ont montré que la VE-cadhérine était phosphorylée dans son domaine intracellulaire sur un acide aminé particulier. L’un des objectifs du travail d’Adama est d’étudier la phosphorylation de la VE-cadhérine, et de comprendre son implication potentielle dans la PR. Pour cela, une souris mutée sur ce site de phosphorylation a été produite. Adama, soutenu par l’équipe de l’animalerie, gère la production, le génotypage, et l’amplification des souris mutées. D’ores et déjà les premières observations d’Adama indiquent que cette mutation in vivo est d’importance majeure dans le processus de pathogenèse de la PR.

La VE-cadherine dans la PR

L’autre objectif d’Adama est d’étudier les modifications éventuelles de la VE-cadhérine par le TNF-alpha et le VEGF qui sont respectivement des facteurs pro-inflammatoires et pro-angiogéniques très fortement sécrétés dans la PR. Adama a démontré que le TNF-alpha induit un clivage du domaine extracellulaire de la VE-cadhérine dans des cellules endothéliales. Des observations complémentaires indiquent que la phosphorylation de la VE-cadhérine est un événement qui précède son clivage. Ces résultats suggèrent un lien entre la phosphorylation de la VE-cadhérine et son clivage.

A l’occasion de la Journée Jacques Courtin, une collaboration est née avec l’équipe dirigée par le Professeur Vittecoq dans le Service de Rhumatologie du CHU de Rouen. Le Pr Vittecoq s’intéresse à la recherche de marqueurs biologiques sanguins dans la PR, et l’objectif de cette collaboration est d’examiner si des patients atteints de PR présentaient de la VE-cadhérine clivée dans le sang. Le Pr Vittecocq a pu mettre à disposition auprès de l’équipe grenobloise des échantillons biologiques qui ont été analysés. De façon tout à fait surprenante, les équipes ont montré que non seulement le domaine extracellulaire de la VE-cadhérine est retrouvé dans des prélèvements sanguins de patients atteints de PR, mais aussi que son taux est corrélé aux critères d’activité de la maladie chez des patients atteints de PR débutante. Ainsi, ces résultats novateurs dans le domaine de la PR semblent indiquer que la VE-cadhérine circulante pourrait être un nouveau marqueur de l’activité de la maladie. Ces travaux publiés très récemment sont le résultat d’une collaboration tout à fait fructueuse entre chercheurs fondamentaux et cliniciens travaillant dans un même objectif : une meilleure prise en charge des patients.

Comme nous l’indique Adama, « plusieurs pistes de travail très prometteuses s’ouvrent à nous, toujours en collaboration avec l’équipe clinique. En effet, la thérapie majeure indiquée dans la PR est un médicament qui bloque l’activité du TNF. Comme nous avons montré que le TNF induit le clivage de la VE-cadhérine, il est raisonnable de penser que le traitement chez les patients pourrait modifier le taux de VE-cadherine circulante. Pour examiner cette hypothèse, nous avons programmé une étude de VE-cadherine soluble sur une cohorte de patients traités par anti-TNF et suivis au cours de leur traitement, en collaboration avec le Pr Vittecocq. Le taux de VE-cadhérine pourra être indicateur de la réponse à la thérapie ou de son échappement, ce qui sera d’importance majeure pour le clinicien dans le cadre du suivi des patients!! »

Valorisation

Isabelle Vilgrain, directrice de thèse d’Adama souligne que deux brevets ont été déposés par l’Inserm en cotutelle avec l’Université Joseph Fourier. Le premier paru en 2008 dans le cadre de travaux sur la méthode de dosage de la VE-cadhérine soluble et de son application en cancérologie et pathologies inflammatoires. Le deuxième, dont la demande d’extension internationale a été déposée en avril 2012, revendique aussi une autre méthode qui pourrait être utilisée pour le suivi des patients dans le diagnostic ou le suivi thérapeutique: « Le premier brevet a donné lieu à des contrats avec des industriels pharmaceutiques qui souhaiteraient disposer d’un dosage sanguin qui serait un test-compagnon pour les nouvelles molécules anti-cancer. En effet, la VE-cadhérine est spécifiquement exprimée dans les cellules endothéliales, or, de nombreuses molécules anti-cancer ciblent le réseau vasculaire tumoral. Ce dosage semble tout à fait prometteur et, qui plus, est facile à réaliser donc transposable en secteur hospitalier. Une étude clinique, promue par le centre Léon Bérard (Lyon), est en cours pour évaluer un élargissement potentiel du dosage au domaine de la cancérologie».
L’objectif à moyen terme est de créer une start-up dans le domaine du diagnostic in vitro avec des champs d’applications pour des industriels pharmaceutiques et des cliniciens qui auront besoin du dosage de la VE-cadhérine en routine. Le champ d’investigation est assez large, que ce soit en cancérologie ou dans les pathologies inflammatoires. Comme le souligne Isabelle Vilgrain, « Nous sommes soutenus par Grenoble Alpes Innovation dans ce projet, et l’environnement du CEA Grenoble est très propice à la création d’entreprises ».

L’équipe

Unité : UMR S1036 CEA/Inserm/Université Joseph Fourier « Unité de Biologie du Cancer et de l’Infection »
Lieu : CEA, Grenoble
Directeur du laboratoire : Jean-Jacques Feige, 5 équipes
Composition de l’équipe : Equipe « Jonctions Endothéliales et Angiogénèse » dirigée par Danielle Gulino
13 personnes, dont 3 chercheurs statutaires, un technicien, 1 post-doctorant et 3 doctorants.
Thématique : Caractéristiques moléculaires de l’organisation de la jonction endothéliale

Interview d’Adama Sidibe

Adama, pouvez-vous nous présenter votre parcours universitaire ?

Mon parcours est particulier, car j’ai fait la première partie de mes études au Mali ; j’ai d’ailleurs commencé des études de médecine au Mali, et ensuite, je suis venu à Grenoble pour faire mes études universitaires à l’Université Joseph Fourier. J’ai fait un Master en Biologie Cellulaire et Intégrative, et réalisé mon stage au sein du laboratoire de physiopathologie vasculaire et angiogenèse. J’ai présenté mon projet de recherche intitulé : « Rôle de l’angiogenese dans la Polyarthrite rhumatoide : Etude d’une souris Knock’in Y685F de la VE-cadherine » devant la Fondation Arthritis en 2009 pour l’obtention d’un financement de thèse qui m’a été attribué. Grâce à ce financement, je réalise ma thèse sur l’aspect vasculaire de la PR, et aujourd’hui je finis ma 3ème et dernière année de thèse dans ce même laboratoire.

Quelles sont les applications cliniques éventuelles de vos recherches ?

Notre première publication peut permettre d’imaginer de faire dans le futur un suivi des patients PR par une prise de sang, et un dosage de VE-cadhérine circulante sur plusieurs mois dans le cadre de leur suivi clinique. L’intérêt pour le patient est que la prise de sang est un geste non invasif, mais très informatif pour le clinicien. Nous n’en sommes pas encore là, certaines hypothèses restent encore à valider, mais nous espérons vivement que nos travaux conduisent à des résultats exploitables en clinique dans la PR !!

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