Arthritis Cette année, la Fondation Arthritis fête ses 25 ans, pouvez-vous nous raconter le premier souvenir que vous avez de l’ARP ?
Prisca Courtin Mon premier souvenir est lorsque j’ai compris que la création de cette association était liée à une histoire d’amour. Celle de mon grand-père pour sa femme, ma grand-mère Malou. Son but était de trouver un traitement en alimentant la recherche de dons, pour pouvoir la soulager de ses douleurs liées à sa maladie : la polyarthrite rhumatoïde.
Arthritis
Quand on vous parle de la polyarthrite, qu’est-ce que cela vous évoque ?
Prisca Courtin
Ma grand-mère Malou, et ses années de combat face à la maladie.
Arthritis
Vous êtes très impliquées avec votre soeur et vos cousines dans les opérations solidaires, comment a débuté cette collaboration ?
Prisca Courtin
En 2012, nous avons voulu nous impliquer et soutenir la Fondation à travers des projets commerciaux. Nous avons donc eu l’idée de créer 4 bracelets aux couleurs de l’été, comme symbole de notre engagement et pour faire, à notre échelle, avancer la recherche. C’est donc naturellement que les autres projets (Hipanema et Swarovski) ont suivi.
Arthritis
Aujourd’hui vous êtes trésorière de la Fondation, qu’est-ce qui a motivé votre décision de rejoindre celle-ci ?
Prisca Courtin
En septembre dernier, je suis rentrée dans le groupe en tant que directrice des Activités Spa chez Clarins et cela m’a donné envie de m’impliquer dans d’autres activités, comme la Fondation, qui compte beaucoup pour Clarins et pour toute notre famille. Je voulais lui donner un vent de fraîcheur en apportant ma vision et ma jeunesse. J’espère donc créer toutes sortes d’animations modernes et dynamiques, pour donner aussi envie à une autre cible de soutenir la Fondation Arthritis.
Arthritis
Quels sont vos souhaits d’évolution pour la Fondation pour les années à venir ?
Prisca Courtin
L’idéal serait de devenir une Fondation mondialement connue pour collecter plus de dons pour la recherche. Aujourd’hui, j’espère que nous pourrons réunir les fonds nécessaires pour alimenter la recherche avec nos animations dynamiques et ainsi contribuer, avec d’autres fondations, à la création d’un traitement efficace.
En 1989, 2 chefs d’entreprise, Jacques Courtin‑Clarins et Denis Bloch, ont créé l’ARP (Association de Recherche sur la Polyathrite). Ils étaient touchés de près par ces maladies. Maria-Luisa, la femme de Jacques Courtin‑Clarins souffrait d’une sévère polyarthrite rhumatoïde et le fils de Denis Bloch, alors âgé d’une dizaine d’années, déclare une violente arthrite juvénile idiopathique. Cette association est créée, en substance, pour maîtriser l’argent que donne chacun d’eux à la recherche médicale.
Clarins, une entreprise engagée dans la technologie médicale
À partir de 2006, elle devient la Fondation Arthritis Courtin, présidée par le Docteur Olivier Courtin-Clarins. Cette Fondation est plus ambitieuse, elle veut récolter plus pour donner plus et envisager de vraies solutions thérapeutiques pour tous les rhumatismes graves.
Grâce à l’aide du groupe Clarins, l’ensemble des frais de fonctionnement sont pris en charge et permet à la Fondation de reverser 100% des dons à la recherche !
Jacques Courtin Clarins, témoignage & engagement
« Je n’aime pas que l’on dise que Clarins est une entreprise citoyenne. Citoyen, c’est payer ses impôts, être en règle avec la loi. Clarins est à mes yeux une entreprise humaine : elle s’occupe de l’Homme. On travaille pour la beauté, la santé, le bonheur. Si certaines femmes ont moins de chance que d’autres, c’est notre devoir de les aider. L’argent que nous avons, ce sont les femmes qui nous l’ont donné. Si on peut leur en rendre une part, pour que leur santé soit meilleure, c’est une chance qui nous est offerte, à nous, de pouvoir le faire.
Quand j’étais jeune, il y avait une phrase écrite sur une poutre : « À quoi sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme ? » Je n’ai pas gagné l’univers. Par contre, j’espère ne pas avoir perdu mon âme. »
Au delà du financement de la recherche…
Depuis l’âge de 3 ans, Victor, le visage de la Fondation, souffre d’une Arthrite Juvénile Idiopathique grave. En 2012, afin d’aider Victor à améliorer son espace de vie, le Groupe Clarins lui a prêté main forte. Tous les collaborateurs de Clarins, jusqu’à la Direction Générale, se sont mobilisés pour permettre à Victor de conserver son autonomie chez lui. 17 000 € ont été récoltés grâce à cette mobilisation générale. Ces fonds ont permis de financer deux fauteuils roulants (un pour l’étage et un au rez-de-chaussée), un monte-escalier et un lit équipé de matériels orthopédiques adaptés pour les tractions. Ce nouvel environnement lui a donné les moyens de mieux vivre sa vie, avec un pas vers l’autonomie !
La Fondation Arthritis est allée à la rencontre de sa plus ancienne donatrice, Madame Colette Delfils, qui donne à la recherche et soutient la Fondation depuis plus de vingt ans.
Arthritis: Quand et comment avez-vous entendu parler de la Fondation pour la première fois ?
Colette Delfils : Je ne saurais vous dire exactement. Il me semble que la première fois qu’on m’en a parlé, c’était il y a plus de vingt ans chez mon rhumatologue. On avait discuté ensemble de l’ARP, il m’avait raconté l’histoire de cette association et m’avait dit qu’elle était très sérieuse et que je pouvais donner en toute confiance. J’avais, et j’ai toujours, envie de soutenir la recherche à mon échelle avec les moyens que j’ai. Je donne à beaucoup d’associations, 14 au total, mais la Fondation Arthritis me touche plus particulièrement puisque je suis moi-même atteinte de polyarthrite.
Arthritis: Quand on vous parle de la polyarthrite qu’est-ce que cela vous évoque ?
Colette Delfils : Je me souviens, quand la maladie s’est déclarée chez moi, en 1982, le docteur m’avait dit qu’elle ne se guérissait pas, et qu’on pouvait simplement la soulager. Ça a été un choc, je ne m’attendais pas à ce diagnostic. Depuis, je vais tous les 3 mois chez le rhumatologue et je fais une prise de sang tous les mois pour vérifier que le foie supporte bien les médicaments. Cela fait 20 ans que je teste plusieurs traitements qui m’ont plus ou moins soulagé. Depuis 4 ans, j’en ai commencé un nouveau. Tous les lundis, j’ai une piqure de metoject, mais il y a beaucoup d’effets secondaires et ce n’est pas toujours agréable à supporter (dessèchement des muqueuses, fatigue, manque d’appétit etc.) J’en ai parlé à mon rhumatologue, mais malheureusement il n’y a rien d’autre aujourd’hui pour me soulager. Alors ce que m’évoque la polyarthrite, c’est un combat quotidien contre la maladie.
Arthritis : Quels espoirs avez-vous pour les années à venir ?
Colette Delfils : L’idéal, évidemment, serait de trouver un médicament pour stopper l’évolution de ces maladies. J’espère qu’un jour on y arrivera. En attendant, je continue à faire des dons et j’espère, à mon échelle, pouvoir apporter une pierre à l’édifice.
Où en est-on ? La recherche de biomarqueurs permettant d’identifier des cibles clés dans les maladies chroniques est devenu l’un des sujets de recherche les plus intéressants en médecine clinique. Dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), les biomarqueurs devraient aider le rhumatologue à identifier le plus tôt possible les patients qui vont répondre rapidement et favorablement à des traitements de fond, afin d’adapter au mieux le traitement pour chaque patient.
Ferraccioli et al., Journal of Rheumatology, 2013 ;40 :8
L’obésité constitue l’un des facteurs de risque pour le développement de l’arthrose. Toutefois, une étude récente a montré que les facteurs diététiques jouent un rôle plus important que le poids. En effet, l’étude de souris arthrosiques qui ont un régime alimentaire riche en matières grasses saturées ou uniquement en acides gras oméga-6 présentent une aggravation significative des symptômes ce qui suggère que la consommation régulière d’acides gras insaturés réduit la gravité de la pathologie.
Wu et al., Ann. Rheum. Dis. doi:10.1136/annrheumdis-2014-205601
Le terme d’arthrite juvénile idiopathique (AJI) regroupe un ensemble de 7 maladies inflammatoires articulaires hétérogènes sur le plan clinique et pronostique : la polyarthrite systémique, l’oligoarthrite juvénile, la polyarthrite avec facteur rhumatoïde, la polyarthrite sans facteur rhumatoïde, les arthrites avec enthésites, le rhumatisme psoriasique et les arthrites non classées. Pour commencer un traitement approprié chez les enfants atteints d’AJI, il est essentiel de connaître le pronostic individuel, de préférence au moment du diagnostic, afin de pouvoir adapter le traitement approprié sans délai.
Une équipe néerlandaise a réalisé une revue systématique de la littérature afin d’identifier les variables qui prédisent l’activité de la maladie, les lésions articulaires, la capacité fonctionnelle et la qualité de vie au début de l’évolution de la maladie. Les résultats ont été examinés et évalués de façon critique en utilisant des critères prédéfinis. Quarante articles ont été inclus dans l’analyse. Parmi eux, 27 traitaient de l’activité de la maladie, 14 des lésions articulaires structurales, 22 du handicap fonctionnel et 4 de la qualité de vie. Un début polyarticulaire est apparu prédictif d’un mauvais pronostic pour l’activité de la maladie, les lésions structurales, le handicap fonctionnel mais pas pour la qualité de vie. Un retard de diagnostic et le caractère systémique de la maladie concourent à une poursuite de la maladie active.
Les auteurs concluent que les facteurs démographiques, cliniques et biologiques sont vraisemblablement insuffisants pour juger précocement du pronostic de l’AJI. Ils estiment, compte tenu des critères standardisés de rémission clinique et de handicap développés récemment, que des travaux prospectifs devraient être réalisés en utilisant ces critères validés et en incluant également d’autres variables radiographiques ou immunologiques.
Sources van Dijkhuizen et al. Ann. Rheum. Dis., 2014; doi:10.1136 annrheumdis-2014-205265 recherche
Lorsque je pose mes yeux sur l’ensemble du panel entrepreneurial français, je sens un vent de modernisme se lever. C’est certainement une réaction inconsciente, vitale, de chacun des français face à cette crise qui essouffle notre pays depuis plusieurs années. La société que je dirige ne déroge pas à la règle. De profonds changements ont été opérés. Nos méthodes de travail, nos outils, allant même jusqu’à changer de siège social comme pour fêter l’avènement de notre mise en route vers l’avenir. Pourtant une chose ne change pas, ne se modernise pas et surtout ne ternit pas : ce sont nos valeurs de respect, d’audace, de performance et de pérennité.
C’est dans ce même moule que je souhaite emmener la Fondation Arthritis. Elle aussi, vit de profondes modifications. Nous modernisons notre conception de la recherche, son organisation mais aussi les moyens de lever des fonds. La Fondation Arthritis est la seule Fondation qui finance uniquement la recherche sur les rhumatismes en France. C’est à la fois une force et une difficulté. À cela, s’ajoute toute la complexité de réussir à « faire comprendre » combien notre action est nécessaire et même indispensable pour des milliers de malades.
Notre action fête cette année sa 25ème année d’existence. L’heure est venue de s’engager plus encore pour négocier avec brio ce virage et prendre le cap sur notre ambitieux destin. Celui qui, je l’espère me permettra de vous écrire le jour de nos 50 ans : « Grâce à vous, nous avons trouvé une solution pour tous, la Fondation arrête désormais ses activités pour notre plus grand bonheur ! » Merci de votre intérêt pour la Fondation Arthritis. »
Dr Olivier COURTIN-CLARINS Président Directeur Général du Groupe CLARINS Président de la Fondation ARTHRITIS
Le « Plan Recherche 2020 » synthétise la volonté de la Fondation Arthritis d’investir plus de 2 millions d’euros dans des projets scientifiques très ambitieux techniquement dans le domaine des maladies ostéo-articulaires.
L’objectif du « Plan Recherche 2020 » est de créer le premier Réseau de recherche en rhumatologie en France avec les ambitions suivantes :
Amplifier et accélérer l’innovation scientifique dans le domaine des maladies ostéo-articulaires
Fédérer le meilleur de la recherche en France (Synergie des équipes)
Créer un pôle de compétitivité et d’excellence
Apporter une visibilité internationale
Le Fondation Arthritis Network Program
Pour répondre à ces ambitions, le FONDATION ARTHRITIS NETWORK PROGRAM, a été développé en partenariat avec Aviesan*, et s’inscrit dans la première phase du « Plan Recherche 2020 » pour les années 2014 à 2016. Cet appel à projets lancé en juin 2013 est destiné à financer un programme scientifique d’excellence porté par un réseau de laboratoires de recherche français, avec 3 axes forts : Projet nouveau, d’envergure, innovant et translationnel. L’ensemble de la communauté scientifique française a répondu présent, puisque 9 projets, rassemblant plus de 50 laboratoires ont été déposés.
Le jury international, sous la présidence du Porfesseur Christian Boitard, s’est réuni le 21 décembre dernier, et a sélectionné le projet “ROAD” (Research on OsteoArthritis Diseases). Ce réseau de 7 laboratoires sera animé par Jérome Guicheux (INSERM U791, Nantes) et réunira des laboratoires localisés sur tout le territoire français.
L’arthrose est la forme la plus commune des maladies articulaires, associée à une invalidité importante. En effet, plus de 4,6 millions de personnes en France sont atteintes d’arthrose. L’arthrose est également associée à des conséquences socio-économiques très élevées, avec des dépenses atteignant 1,6 milliard d’euros par an en France.
Par ailleurs, les mécanismes moléculaires impliqués dans l’arthrose restent largement inconnus. A ce jour, l’arthrose reste une maladie incurable, du à un manque de nouvelles cibles thérapeutiques et à une limitation à définir le pronostic à un stade précoce de la maladie. Aussi, les instances européennes ont-elles décidé d’agir et d’inscrire l’arthrose comme une priorité dans l’Europe de la Recherche (« Horizon 2020 »).
Grâce à vos dons, la Fondation Arthritis va financer ce réseau « arthrose et vieillissement articulaire » pour une durée de 3 ans, pour in montant de 600 000 € !!
Le consortium ROAD aura pour objectifs :
De stratifier les patients arthrosiques et d’établir la première biobanque nationale de tissus humains arthrosiques et d’identifier de nouveaux biomarqueurs et de nouvelles cibles pour le développement de stratégie thérapeutiques innovantes.
Le réseau de laboratoires
Jérôme Guicheux, LIOAD INSERM U791, Nantes (Coordinateur du projet)
Marie-Hélène Lafage-Proust, Laboratoire De Biologie du Tissu Osseux, INSERM U 1059, Saint-Etienne
Martine Cohen-Solal, laboratoire de Biologie de l’os et du cartilage « BIOSCAR », Hôpital Lariboisière, Paris
Jean-Yves Jouzeau, UMR 7365 CNRS-UL, Vandoeuvre-Lès-Nancy
François Rannou, INSERM U747 Pharmacology, Toxicology, and Cell Signalling, Paris
Christian Jorgensen, Inserm U844, Montpellier
Francis Berenbaum, UMR Université Paris 6-INSERM S_938, Paris
L’inégalité des sexes retrouvée dans les maladies auto-immunes est souvent attribuée à des facteurs hormonaux et des différences dans la réponse immunitaire, comme par exemple le fait que les femmes produisent plus d’anticorps ou aient un plus grand nombre de lymphocytes circulants.
Sans pour autant négliger ces facteurs, le laboratoire INSERM UMRs1097 à Marseille, dans lequel travaille Sami-Barna Kanaan financé par la Fondation Arthritis, s’intéresse à d’autres facteurs de risques issus de la grossesse et du chromosome X, qui pourraient expliquer la prédominance des femmes dans les maladies auto-immunes.
Le laboratoire ainsi que d’autres équipes, ont mis en évidence que les cellules fœtales qui traversent le placenta pendant la grossesse et persistent chez la mère après l’accouchement, pourraient, dans certains cas, perturber l’immunité de cette dernière (1, 2). Ce phénomène, appelé microchimérisme fœtal, expliquerait que les femmes soient plus souvent affectées que les hommes par les maladies auto-immunes.
Le laboratoire étudie également le chromosome X, présent en deux exemplaires chez la femme versus un seul chez l’homme. Ce chromosome contient un nombre important de gènes liés à l’immunité. Des perturbations dans le nombre de copies de certains de ces gènes, ou bien même dans la régulation de l’expression du chromosome entier peuvent être à l’origine de la de la prédisposition des femmes aux maladies auto-immunes.
Le microchimérisme : un risque pour l’auto-immunité chez la femme ?
Une caractéristique propre aux femmes est la grossesse. Or pendant la grossesse, le placenta n’est pas aussi hermétique qu’on le pensait et permet le passage bidirectionnel des cellules du fœtus vers la mère et vice versa.
La présence de plusieurs populations cellulaires génétiquement distinctes dans un même individu est appelée chimérisme. Le microchimérisme correspond à une petite quantité de ces cellules (de l’ordre de 1 à 10 par million de cellules de l’hôte). Ce chimérisme peut donc être acquis de façon naturelle durant la grossesse mais également de façon artificielle au cours de la transplantation d’organes ou de transfusions sanguines.
Après la grossesse, et malgré leur caractère semi-étranger, les cellules microchimériques d’origine fœtale et/ou maternelle ne sont pas complètement éliminées de l’organisme de leur hôte (microchimérisme fœtal chez la mère et/ou microchimérisme maternel chez l’enfant) et persistent plusieurs années. Une autre source de microchimérisme naturel issu de la grossesse est celle provenant d’un jumeau, qu’il arrive à terme ou non. On parle alors de jumeau évanescent.
Il est à noter que le microchimérisme est un phénomène naturel retrouvé chez les individus en bonne santé. Cependant les femmes atteintes de certaines maladies auto-immunes, telles que la sclérodermie systémique et la polyarthrite rhumatoïde (PR), en ont plus fréquemment et en quantités plus élevées dans leur sang périphérique. Il est donc tentant de donner un rôle néfaste au microchimérisme chez les femmes atteintes par ces maladies.
Les hommes, ne pouvant pas acquérir de cellules fœtales, ont naturellement moins de sources microchimériques que les femmes. Ceci expliquerait en partie qu’ils soient moins souvent atteints par les maladies auto-immunes. De façon intéressante, le laboratoire a récemment démontré la présence de cellules féminines provenant d’une jumelle évanescente chez un patient atteint d’une maladie proche de la sclérodermie systémique (Figure 2). Comme nous l’indique Sami « Nous pensons que ce phénomène est loin d’être anecdotique et d’autres études de ce type sont d’ailleurs en cours dans le laboratoire sur des hommes atteints de PR ».
Les gènes du chromosome X : des variations dans le nombre de copies accélérant l’auto-immunité ?
Une autre possibilité expliquant la différence de sexe est la variation du nombre de copies de gènes sur le chromosome X. En effet, plusieurs gènes connus pour leur importance en immunité innée et adaptive, tolérance immunitaire et production hormonale sont localisés sur ce chromosome. De façon intéressante, il a été récemment démontré dans un modèle de lupus auto-immun chez la souris une translocation d’un groupe de 16 gènes du chromosome X vers le chromosome Y, incluant le gène TLR7 (Toll-like-receptor 7) important en immunité innée. Les souris mâles, ayant ainsi deux copies de ce gène, développaient beaucoup plus rapidement la maladie que les souris femelles de ce même modèle.
Chez les humains, il a été suggéré que les rares hommes atteints de lupus érythémateux disséminé pourraient, comme dans le modèle murin, avoir deux copies de TLR7. Deux études ont vérifié le nombre de copies de TLR7 dans le cadre du lupus avec des résultats contradictoires : une première étude américaine a trouvé que le nombre de copies de TLR7 n’est pas augmenté chez les hommes lupiques, tandis qu’une autre étude mexicaine, plus récente et sur un plus grand nombre de personnes a montré que le nombre était augmenté. Cette possibilité a été examinée dans le laboratoire chez les hommes atteints de PR. Les données montrent une augmentation (et non une duplication) d’environ 10% du nombre de copies de TLR7 chez ces patients comparés à des hommes en bonne santé. Cette augmentation relativement faible suggère que seules certaines populations cellulaires du sang sont affectées. Les analyses sur les sous populations cellulaires triées (lymphocytes T et B, neutrophiles, monocytes…) sont en cours d’évaluation.
L’inactivation du chromosome X : un biais vers l’auto-immunité ?
Le chromosome X est intéressant à plus d’un titre. En effet, non seulement il possède des gènes de l’immunité mais, chez la femme (possédant deux X), on assiste à un phénomène d’inactivation de l’un des deux chromosomes X, afin que la production de protéines soit égale à celle de l’homme qui n’en possède qu’un.
Cette inactivation est généralement aléatoire affectant soit le chromosome X maternel, soit le chromosome X paternel avec 50% de chance d’inactiver l’un ou l’autre (Figure 3). Cependant, il a été décrit chez les femmes atteintes de maladies auto-immunes que cette inactivation n’était pas aléatoire mais complètement biaisée avec un des deux chromosomes X préférentiellement inactivé dans 90% des cas (4).
Nous avons testé l’hypothèse d’un biais d’inactivation chez les femmes atteintes de PR. Ce projet est en étroite collaboration avec le groupe de Tayfun Ozcelik, spécialiste de l’inactivation du chromosome X, à Ankara, Turquie. Les données obtenues indiquent en effet un biais d’inactivation chez les femmes atteintes de cette maladie, et en particulier chez celles qui portent des gènes HLA de susceptibilité à la maladie. Des études complémentaires sont en cours dans le laboratoire pour expliquer la corrélation entre le biais d’inactivation du chromosome X (phénomène appelé épigénétique) et la présence des gènes HLA de susceptibilité à la maladie (facteur de risque génétique).
Le sexe est le facteur de risque le plus important dans beaucoup de maladies auto-immunes. La PR et la sclérodermie systémique, qui sont les deux maladies essentiellement étudiées dans le laboratoire, n’échappent pas à cette règle. La compréhension des phénomènes à l’origine de l’apparition et la persistance du microchimérisme, de la variation du nombre de copies de gènes immunitaires sur le chromosome X et du biais d’inactivation de ce chromosome, est cruciale pour le développement de thérapies ayant pour but d’inverser le destin du microchimérisme et/ou de cibler les mécanismes régulant certains gènes du chromosome X.
L’équipe
Unité : UMRs 1097 – Université d’Aix-Marseille dirigée par le Prof. Jean Roudier.
Lieu : Technopôle International Marseille Luminy, Marseille.
Composition de l’équipe : Equipe « Microchimérisme » dirigée par Nathalie Lambert, Post-doctorant : Karlin Karlmark, Doctorants : Doua Azzouz et Sami-Barna Kanaan.
Thématique : Immunogénétique des maladies auto-immunes rhumatismales.
Références
1. J. M. Rak et al., Arthritis Rheum 60, 73 (Jan, 2009).
2. N. Lambert, J. L. Nelson, Autoimmun Rev 2, 133 (May, 2003).
3. L. M. de Bellefon et al., Chimerism 1, 56 (Oct, 2010).
4. N. C. Lambert, Arthritis Rheum 60, 3164 (Nov, 2009).
Grâce à vous, la Fondation Arthritis finance durant 2 ans la thèse du chercheur Sami-Barna Kanaan.